Alors que chez son voisin brésilien, les incendies continuent de ravager la forêt amazonienne, en France, l’écart se creuse entre les soutiens de l’industrie minière et les citoyens engagés pour la protection du “poumon vert” de notre planète et du climat.
A peine un an que le projet de mine “Montagne d’or” était annoncé comme abandonné et voici qu’un nouveau débat est lancé. Malgré le confinement lié à la crise sanitaire, la Commission des mines de Guyane s’est réunie en visioconférence le 29 avril dernier. À l’ordre du jour : le projet « Espérance », une mine d’or à ciel ouvert aux caractéristiques proches de celles de son prédécesseur : 1,5 km de large et 300 mètres de profondeur, en plein milieu de la forêt amazonienne. Après la débâcle du consortium russo-canadien à l’origine de « Montagne d’or », c’est au tour du géant américain Newmont Mining de tenter sa chance avec son partenaire local, la Compagnie minière Espérance (CME). Et pour le moment, les choses sont plutôt bien engagées, puisque le projet a obtenu de la commission départementale des mines un avis favorable concernant le renouvellement de sa concession minière pour un délai de dix ans.
Le collectif citoyen Or de question s’est immédiatement mobilisé et fait paraître une tribune soutenue par de nombreuses organisations nationales et locales ainsi que des personnalités politiques telles que Yannick Jadot, député (EELV) et Delphine Batho (Génération écologie), forçant le gouvernement à réagir. La ministre de la Transition écologique et solidaire Élisabeth Borne a assuré dans un tweet que « cet avis consultatif ne constitue en rien une autorisation de travaux d’exploitation ». Au sein des organisations écologistes cependant, les militants observent d’un oeil vigilant la sortie de la crise du COVID 19 qui pourrait, sous couvert de relance économique, signifier un blanc seing à l’industrie minière.
L’impact de l’orpaillage sur le climat, incompatible avec les enjeux du 21e siècle
Les impacts écologiques et climatiques de l’exploitation industrielle de l’or en milieu amazonien sont véritablement catastrophiques pour cet écosystèmes à la fois riche et fragile. En effet, le secteur minier est extrêmement vorace en électricité nécessaire afin d’alimenter les installations notamment, celles destinées à broyer la roche grâce à de gigantesques concasseurs, et à la traiter à l’aide d’unités de cyanuration énergivores.
Selon l’association Systext, regroupant des experts du secteur extractif, les consommations annuelles d’électricité d’une mine “moyenne” d’or « correspondraient respectivement à celle de 31 000 foyers français pendant un an ».
Par ailleurs, l’unique moyen d’alimenter les sites minier éloignés est la route et l’emploi de véhicules lourds roulant au diesel. La création de ces voies impliquent une atteinte à la continuité écologique. Elle permet à d’autres activités, telles que le braconnage, et l’orpaillage illégal de profiter de cet accès à des écosystèmes auparavant préservés des intrusions humaines. Pour décrire ce phénomène, Systext utilise l’expression évocatrice d’effet "boîte de Pandore".
Plus encore, l’installation d’une mine d’or en forêt implique nécessairement une déforestation et donc la destruction d’un écosystème tropical dont le rôle est pourtant essentiel dans la lutte contre le changement climatique. En effet, les surfaces boisées de Guyane, en raison de leur forte densité de biomasse, absorbent 50% de carbone de plus que les autres types de forêts. Lorsqu’elles sont détruites, elles relâchent le carbone absorbé, ce qui participe au dérèglement climatique.
A titre d’exemple, le projet de mine à ciel ouvert de la Montagne d’or impliquait la consommation de 20 MW d’électricité produit par une centrale au fioul, le déboisement d’une route de 120 km de long à l’intérieur de la forêt amazonienne et la déforestation de 1513 hectares, dont 575 hectares de forêt primaire. Un projet en tout point incompatible avec les engagements de la France en matière de protection de la biodiversité et du climat et qui a pourtant nécessité trois années de mobilisation au collectif Or de question afin d’en obtenir l’abandon par le gouvernement.
Pour éviter que d’autres projets industriels miniers ne voient le jour, des voix s’élèvent en France pour demander un moratoire sur la minière industrielle aurifère en Guyane.
Urgence bio-climatique, les citoyens tentent de faire rempart à l’industrie minière
Mandatés par le gouvernement pour définir une série de mesures permettant d'atteindre une baisse d'au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, les 150 citoyens de la Convention citoyenne pour le climat se sont saisis de la question de l’impact de l’activité minière aurifère. Les membres du groupe de travail « Produire et travailler » dont l’objectif était d’étudier des pistes afin d’accompagner l’économie et l’appareil de production vers une société décarbonée, ont soutenu un paquet de mesures en faveur de la protection de la biodiversité. Parmi ces mesures, la Convention citoyenne pour le climat s’est prononcée à 94,4% en faveur de l’adoption d’un moratoire sur l’exploitation industrielle minière en Guyane.
Reçus à l’Elysée par le président Emmanuel Macron, celui-ci leur a fait part de ses intentions : “Le temps est venu de faire, d’agir. Je m'y étais engagé, je tiens parole : 146 propositions sur les 149 que vous avez formulées seront transmises soit au Gouvernement, soit au Parlement, soit au peuple français”.
A quoi faut-il s’attendre ? Un premier projet de loi contenant un tiers des propositions émises par la Convention citoyenne pour le climat est annoncé pour l'automne 2020, mais impossible de savoir si le moratoire sur l’industrie minière aurifère y figurera. Ce qui est certain, c’est que les membres de la Convention sont bien décidés à surveiller le respect des engagements du gouvernement. Constitués en association, Les 150 seront régulièrement amenés à suivre les travaux de transposition de leurs propositions.
Il est remarquable d’observer que, loin des micros des chaînes de télévisions et des conférences internationales au cours desquelles les grandes déclarations politiques sur la préservation de l’Amazonie fusent sans aucun engagement concret, les citoyens ont démontré leur volonté de prendre à bras le corps la protection de ce commun planétaire. L’avenir des forêts primaires de Guyane dépendra donc de la capacité du gouvernement français à tenir ses promesses.
Le 1er juillet 2020, s'est tenu le webinaire "Guyane : un or qui mine le climat ?", organisé par la Fondation Heinrich Böll. Cette conférence en ligne a permis de revenir sur les impacts climatiques et écologiques de l’industrie minière et de présenter les propositions concrètes défendues en Guyane, en Métropole et au niveau européen pour lutter contre les projets de méga-mines d’or sur le territoire amazonien.
Intervenant.es :
- Introduction : Jens Althoff, Fondation Heinrich Böll
- Marie Fleury, Ethnobotaniste, présidente du Conseil scientifique du Parc amazonien de Guyane
- Michel Dubouillé, secrétaire général de Guyane ecologie et porte parole du collectif Or de question
- Aurore Stephant, ingénieur géologue minier et co-fondatrice de l’association SystExt - Systèmes Extractifs et Environnements
- Animation : Marine Calmet, juriste, porte parole du collectif Or de question